Fusée hydropneumatique à flux d'air inversé 4L
G.Samson
B.Bertin
Deux fusées-à-eau à flux d'air inversé ont été lancées dernièrement avec succès. Le principe de ces fusées est de réaliser le stockage de l'eau en partie haute de la fusée, c'est-à-dire au-dessus de l'air. Cette configuration, plus facile à réussir sur des engins composés de plusieurs bouteilles, offre l'intérêt d'un centrage très "avant" de la masse d'eau, ce qui permet de diminuer fortement la surface des ailettes d'empennage (La configuration classique "eau en bas" (la plus couramment pratiquée) est par contre idéale pour la confection de rétrofusées d'atterrissage (système réalisé par JP Soulard )).
Comme l'air comprimé est stocké sous l'eau, il faut qu'il remonte à la surface de celle-ci pour l'éjecter vers le bas. Conséquemment, les deux fluides vitaux se croisent à un moment donné, ou plutôt dans un goulot (d'étranglement) donné ! (Les goulots sont d'ailleurs toujours 'd'étranglement '). Il y a donc à optimiser les diamètres de la plomberie interne pour que ce croisement ne nuise exagérément à l'écoulement d'aucun fluide.
JP Soulard, de la Flèche, à qui j'avais soumis il y a plus d'un an ce concept du "flux d'air inversé", a eu la bonne idée de nommer aqueduc et aéroduc les différents conduits de ce que j'appelle la "techno-pipe" intérieure. Cette techno-pipe est, pour peu de temps encore, le morceau le plus difficile à réaliser rapidement (faire les choses facilement, là est la difficulté ! ). (Nous nous cantonnons ici à des fusées sans canalisations externes, et donc à des bouteilles peu ouvragées, aisément interchangeables. Notre travail sur les fusées hydropneumatiques ne se conçoit d'ailleurs que dans le cadre d'une technologie "domestique", "facilement reproductible" (appelons la "scotch-cutter"). Au pire il faut que les techno-fusées soient construisibles avec un "outillage de club" (marbres, bers, gabarits et formes de thermoformage). Nous oeuvrons à terminer, avec Gwen Samson, un tel outillage-club qui devrait permettre à un pré-ado, ado ou élève ingénieur moyen de réaliser simplement sa fusée à flux inversé, pour ne parler que de celles-là.)
Deux modèles
ont été testés lors de cette séance d'essais :
Un modèle (0,5 + 1) litre, entièrement démontable, qui malgré une légère hémorragie interne, a fort bien volé. (Selon le principe énoncé plus haut, l'enveloppe supérieure de 0,5 L contenait la masse d'eau, tandis que l'enveloppe inférieure de 1 L renfermait l'air comprimé) .
Un vieux modèle non-démontable (voir photo) datant d'août 99, de (1,5 + 2,5) litres (souffrant également d'épanchements internes congénitaux, et remisé longtemps pour ce motif). Ce modèle a atteint une hauteur supérieure au précédent, sans doute à cause d'un rapport de masse plus favorable.
Pour l'ensemble des sept ou huit vols réalisés avec ces deux prototypes, les parachutes, déclenchés par minuteur-à-2-francs et garcette élastique sur poupée fendue, se sont déployés correctement . Nous reviendrons ultérieurement sur ce système très "transdisciplinaire" de libération de coiffe que la photo laisse deviner.
Ce système utilise une particularité physique bien connu des marins, particularité qui le range pour moi dans la catégorie des transistors mécaniques (on en connaît des électroniques, bien sûr, mais également des pneumatiques ..) En effet la tension d'utilisation de la garcette est très supérieure à sa tension de commande. Cependant, bien que dotés de tuyères réduites de 10 mm et donc d'un pouvoir d'accélération modéré, les engins ont échappé à l'objectif de notre vidéaste patenté qui a dû attendre l'ouverture sympathique de la corolle de freinage atmosphérique pour recadrer son image. Le temps de culmination n'étant en conséquence pas connu avec précision, l'altitude atteinte est assez difficile à estimer (sans doute 70 et 80 m selon les modèles).
La fusée (0,5 + 1) L haute de 70 cm , arborait pour la circonstance quatre ailettes de 25 cm², qu'on devraient pouvoir diminuer jusqu'à 12,5 cm². Quant à la grosse fusée de (1,5 + 2,5) L , haute de 1 m (voir photo), elle exhibait pour cette sortie 4 ailettes de 36 cm² .
Une réflexion sur un centrage des masses à sec encore plus favorable est bien sûr en cours. Car contrairement aux fusées grandeur nature qui augmentent leur marge statique à mesure que leur premier étage s'allège de ses ergols, ces deux fusées à étage unique ont une marge statique naturellement forte au départ qui diminue en fin de propulsion. Ceci à l'inverse des micro et mini-fusées pyrotechniques qui améliorent leur centrage en brûlant leur monergol.
L'idée qui a présidé à mon projet de "flux d'air inversé" est qu'un mobile cylindrique à ogive conique est naturellement stable si son centre de gravité est placé suffisamment en "avant" (quelque chose comme au premier 1/3 de sa longueur). C'est sans doute le centrage des javelots planants qui ont eu leur heure de gloire en athlétisme, il y a quelques dizaines d'années. Ce centrage avant se réalise presque de lui-même sur une fusée cryotechnique dont le réservoir d'H² est placé en partie arrière (basse) : la très faible densité de ce fluide (11 fois moindre que celle de l'eau) repousse tellement le G des deux ergols vers l'avant que la présence d'ailettes d'empennage n'est plus nécessaire (surtout dans le cas des fusées à trajectoire déviée aérodynamiquement, à faibles marges statiques).
Le simple calcul graphique du G de deux réservoirs cryotechniques au rapport stoechiométrique est très explicite à cet égard. D'ailleurs, dès les débuts de la conquête spatiale, de telles fusées sans empennage ont existé (fusées Titan qui mettaient en l'air les petites capsules Mercury). Pour compléter la petite histoire des fusées à flux d'air inversé, on peut signaler que j'avais déjà lancé, avant la mi-août dernier au lieu dit Pen-ar-Creac'h près de Camaret, dans une précipitation née d'une fuite interne (ce souci 'découle' tout naturellement du principe), une première fusée 2 x 0,5 litre non-démontable. L'altitude de l'apogée n'a pas dû dépasser la vingtaine de mètres. Mais c'est encore le double de l'altitude atteinte par la première fusée à ergols liquides de l'histoire du monde (hum ! : de notre monde, plutôt) : la fusée de 1931, à traction avant, de l'allemand Winkler qui, trois semaines plus tard devait monter à 60 m.
Cependant, je ne trouvais pas satisfaisant mon mode de liaison inter-bouteille utilisant, pour l'étanchéité, du mastic polyuréthanne (c'est le cas de la fusée de la photo). Il ne suffit pas en effet de réussir un lancement, il faut pouvoir proposer un modèle de construction élégant et reproductible. Du moins est-ce ma philosophie...
Depuis, ma modeste technologie a progressé, et l'ensemble de la plomberie interne de la fusée (0,5 + 1) litre est visitable et réparable à loisir. Ce qui est un grand progrès dans l'histoire de la fusée, et de la limonade. Pour des scrupules aérodynamiques et esthétiques, le réservoir supérieur (celui contenant l'eau) est choisi de diamètre plus faible que le réservoir inférieur et donc doit être rempli presque jusqu'en haut. C'est peut-être un choix éronné. Le centre des masses varierait moins si la fusée était composée de deux réservoirs équivalents et que l'eau de propulsion était cantonnée en partie basse du réservoir supérieur, c-à-d juste au-dessus du milieu de l'engin. A étudier dans les deux hypothèses mono et multi-étage.
Le but ultime de toutes ces recherches (si la recherche ne se suffisait pas à elle-même) est de mettre au point un dernier étage dispensé d'ailettes. Par effet de cascade, en effet, la présence de telles ailettes en tête d'engin oblige à l'installation d'ailettes de compensation à l'étage immédiatement inférieur, ailettes qui elles-même, et cascada et cascada...
Une retombée gratuite de l'architecture à flux d'air inversé est incidemment que l'allumage d'un étage ainsi conçu peut se faire dans cet état d'apesanteur ou de pesanteur inverse qui suit forcément l'arrêt de la propulsion de l'étage précédent (cette impesanteur impose aux vraies fusées l'emport de fusées pyrotechniques spéciales destinées à une remise en pesanteur artificielle des ergols, sinon il y a trop de bulles dans ceux-ci)(embolie gazeuse des pompes !). D'autres systèmes tendant à exhausser ou rehausser la masse d'eau de propulsion sont bien sûr envisageables. En particulier une simple corolle de mousse à cellules ouvertes, revêtue intérieurement d'une peau étanche pourrait constituer un bon siège-rehausseur pour un coût massique négligeable. Je mets lentement la dernière main à ce système pour une fusée de 0,5 L qui formerait un très bel étage ultime.
On le voit, la réflexion est ouverte... Faites-nous la grâce de vos remarques sur le forum.
Bernard de Go Mars
Rennes .
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